Ces jours-ci, nous passons beaucoup de temps en petits groupes, à échanger sur ce que nous faisons, sur ce que nous percevons, à partir de nos angles d’approche respectifs, de la Compagnie. Cela, afin d’éclairer les décisions que nous aurons à prendre durant cette congrégation, au premier rang desquelles le choix d’un nouveau « Préposé Général ». Au cours de la journée, j’ai ainsi rencontré une quarantaine de compagnons d’Amérique Latine, d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Asie, d’Afrique. Un petit tour du monde, en somme.
Les situations de nos pays respectifs, de nos Églises, et de nos provinces jésuites sont, bien entendu, extrêmement différentes. Dans un endroit, il y a 150 candidats qui demandent à entrer au noviciat, dans un autre, quand il y en a deux chaque année, on est content… Dans certaines régions, le christianisme est relativement nouveau, alors que d’autres pays le connaissent depuis des siècles. Les activités des jésuites rencontrés sont également variées : l’un travaille avec des Indiens des Andes, un autre enseigne la philosophie, un autre est impliqué dans l’apostolat social, un autre est maître des novices, un autre dirige une université, un autre est responsable d’une province…
Qu’avons-nous en commun ? Il doit bien y avoir quelque chose malgré tout car, dans les quatre groupes différents auxquels j’ai pris part aujourd’hui, nous en sommes très vite venus à une parole très personnelle sur ce qui nous touche au plus profond, ce qui nous rend heureux, ce qui nous inquiète ou nous attriste, ce qui nous rempli d’espérance ou nous fatigue. C’est quoi ce quelque chose ? C’est le secret de chacun et cela ne se déballe pas dans un échange qui dure une heure quinze. Mais ce qui est très clair entre nous, c’est que, chacun à notre manière, notre existence est traversée par un étonnant visiteur à qui nous avons appris à faire confiance et à ouvrir nos portes les plus difficiles d’accès. Du coup, lorsqu’on se met à parler un peu personnellement, il n’est pas rare qu’au croisement de nos chemins, se dessine tout à coup sa silhouette, familière, chaleureuse, vivifiante.
Ce soir, qu’ai-je retenu de tout ce que j’ai entendu ? J’ai la tête un peu en marmelade et j’ai dû oublier déjà les deux tiers de ce qui s’est dit. Mais ce visiteur, lui, je l’ai vu, ça j’en suis sûr. Eh bien, cela me suffit pour cette journée ; et même, j’en suis rempli de joie.
Etienne Grieu, SJ